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Vendredi 21 octobre à 20h
cinéma Le Fresnoy - studio national des arts contemporains

entrée gratuite

#59/ Introduction

Un film de Hong Sang-Soo / 1h 06min / Drame 

Youngho cherche à se frayer un chemin entre son rêve de devenir acteur et les attentes de ses parents. Alors que sa petite amie part étudier à Berlin, le jeune homme y voit l’occasion d’un nouveau départ.

 

… / Comme on l’a dit, le film est creusé « de trous béant», d'autant plus perturbant qu’on ne sait jamais, entre deux séquences, combien de temps s'est écoulé, rendant impos­sible toute datation des événements et nimbant l’action d’une curieuse modalité de futur antérieur. Sans doute n’est-ce pas pour rien que le film s'intitule Introduction. parce qu’il semble l'amorce d’un autre film qui n’aura pas lieu, nous laisse au seuil d’une relation qui ne sera pas racontée, engloutie dans le hors-temps de la fiction comme dans l’immense cimetière des amours vouées à l’échec, et qui n’en pavent pourtant pas moins l'expérience humaine.

 

L’art de Hong Sang-Soo en est désormais arrivé à ce stade suprême de frugalité, de modestie et de délicatesse qu’il n’a plus besoin de jouer sur autre chose que sur l'ampleur des vides qui parsèment ses récits, maître du manque et des lisières, qui ne saisit plus de la douleur d’aimer que le versant aveugle, indicible.

 

En isolant ainsi ses séquences, en faisant d’elles un petit archipel d’instants aléatoire arrachés à la trame du temps, le cinéaste pose une question vertigineuse : d’une bribe à l’autre de nos vies, d’un souvenir à l’autre de notre mémoire en pointillés, sommes-nous bien demeurés les mêmes, ou nous sommes-nous perdus quelque part dans l’intervalle ? Comme Ju-won qui disparaît au milieu du film, mais dont on apprend incidemment que sa vie de personnage a continué ailleurs, dans une autre orbite de fiction.

Introduction s’ouvre mys­térieusement sur la prière sans objet du père tourmenté (par quoi ?) et se conclut dans les eaux lustrales d’un bain d’hiver, où Young-ho se jette tout habillé pour laver ses peines et ses souvenirs, transi de froid et néanmoins régénéré. Chacun des trois volets s’achève sur une étreinte et quelques notes cares­santes grattées à la guitare, nous rappelant à quel point l’art d’Hong Sang-Soo se rapproche désormais de la folk song (une poignée d'accords frustes, mais des renversements puissants). Ces points éparpillés, un songe libre, une bouffée d’expectative et d’irré­solution les relie.

Un parcours, tout simplement. 

Mathieu Macheret

Les cahiers du cinéma - Fev 2022

 

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