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Vendredi 5 avril à 20h

cinéma Le Fresnoy - studio national des arts contemporains

entrée gratuite

En partenariat avec la saison du doc

#56/ L'EVAPORATION DE L'HOMME

Un film de Shômei Imamoura

1967 - Japon – 130 min – japonais sous-titré français

Un faux documentaire profond sur les disparitions au Japon doublé d’une interrogation sur le réel et le cinéma-vérité.

 

Avec Oshima, Imamura fait partie des enfants terribles qui dans les années 60 bouleversèrent les habitudes et les hiérarchies du cinéma japonais, au même moment mais souvent avec plus de violence que les nouvelles vagues européennes. L’Evaporation de l’homme est un des manifestes les plus radicaux du jeune Imamura, et une des pierres fondatrices de son oeuvre. On y retrouve les obsessions du cinéaste : observer en entomologiste les dysfonctionnements et les aberrations des mentalités et de la société nippone conservatrice, étudier la condition féminine, entre soumission, aliénation et prostitution.

Imamura décide de s’intéresser à un phénomène de société abordé dans les médias : la disparition chaque année au Japon de près de 90 000 personnes. Comment est-ce possible dans un aussi petit pays, se demande le cinéaste. Le cas d’un certain Oshima (dont le patronyme est curieusement celui de l’autre grand cinéaste japonais de l’époque), homme de 30 ans sans qualité (agent commercial, vaguement alcoolique, médiocre et malhonnête, que personne ne semble regretter) attire son attention. Oshima a disparu après avoir empoché une somme d’argent destinée à son entreprise. Une équipe de cinéma part sur ses traces, interrogeant les membres de sa famille et ceux qui l’ont côtoyé ou travaillé avec lui.

De cette succession de témoignages et de visages émerge une seule personne, la jeune femme qu’Oshima devait épouser et qu’il avait abandonnée sous prétexte que sa soeur était une geisha. C’est elle, dans un perpétuel état d’hébétude et de perplexité, qui la première avait lancé un avis de recherche, resté sans effet plusieurs mois après “l’évaporation” d’Oshima. On en vient à consulter une voyante, manifestation de la part d’irrationnel et de magie qui persiste chez les classes populaires et qu’Imamura, peintre des pulsions et des instincts primitifs, a toujours pris en considération dans ses films.

Bientôt Oshima disparaît de l’enquête (seconde évaporation d’un individu décidément frappé de nullité) et le film se resserre autour de l’antagonisme entre les deux soeurs. Un témoin affirme avoir vu Oshima en compagnie de la soeur, qui nie avec véhémence. Imamura organise la confrontation entre les deux soeurs, dans un duel sur le thème de la vérité. C’est au moment où le film débouche sur une impasse (impossible de savoir qui ment) que le cinéaste annonce la supercherie : L’Evaporation de l’homme est un faux documentaire qui n’en a que le style. Oshima n’a jamais existé et le film est une reconstitution, un essai cinématographique qui mime le reportage uniquement pour en désigner l’échec.

Une scène d’un grand réalisme est interrompue par le cinéaste et un lent travelling arrière révèle qu’elle est tournée au milieu d’un immense studio, dans un décor éclairé par des projecteurs. Imamura met en doute la notion de cinéma-vérité et laisse le spectateur dans un état d’incrédulité. Le film s’achève, déclare une voix off, mais pas la réalité.

Olivier Père

Les Inrocks - 26/07/11

 

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