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Vendredi 15 mars à 20h

cinéma Le Fresnoy - studio national des arts contemporains

entrée gratuite

En partenariat avec la saison du doc

#55/ LA BRUTE REVIENT AU PAYS 

Un film de Shômei Imamoura

Durée  45 min - 1973 - Japon - Japonais sous-titré en français

"Tous les films sont des films de zombie. Ici à fortiori. Matsu est un fantôme, au sens strict un revenant. Sur le quai de la gare, il est émacié et vieilli. La brute revient au pays natal. Mais la brute, ici, c’est le film. Tout est de la facture d’une brute : la précipitation, la sécheresse du montage, la brusquerie du cadre, l'austérité grave de la voix OFF. On dirait qu' Imamura pousse sans cesse dans le dos son personnage et que celui-ci entre dans chaque cadre comme s’il y était tombé en avant. Puis qu’il y reste plaqué, face contre terre. 

Face contre terre il se prosterne sur la tombe de ses parents. Sur toutes les tombes. En Thaïlande il croyait qu’il ne restait plus un seul survivant à Nagasaki. Au Japon ils le croyaient mort. Les morts en face des morts, la bombe en fond d'écran derrière leurs tollés et leurs sanglots. Il retrouve son frère qu'il hait, sa petite sœur qu'il adore. Et puis il découvre qu'ils l'ont tué, qu'ils ont maquillé en fait sa désertion en décès. Le cinéma à coups de marteau. Il erre (un fantôme) dans la ville, il hurle, il arrache ses vêtements. Le japon d'après guerre est dégoûtant. Le dégoût se filme comme ça : avec un voile gris, des oiseaux noirs, et un genou de fille, une tasse de thé, un contre jour. Au fond, c'est peut-être un soliloque, mais un soliloque braillé, rugi, aboyé. 

« C'est alors que l'expression « les Rejetés » m'est venue en tête » dit la voix d'Imamura devant le palais de l'empereur. Le dégoût a tout emporté et les vivants et les morts, et à la fin de l'h(H)istoire, il n'y a plus que des ordures pour engloutir le cadre. Matsu s'en va, l'assassin redevient paysan, les mains dans la rizière. On apprend qu'il a donné tout son argent à sa sœur. Comme une fleur persistante, ce serait peut-être l'unique ultime chose miraculée dans ce cloaque, in extremis avant la fin du film, une sorte d'amour aberrant, écœuré mais survivant, ce dévouement sans borne pour une petite sœur. »

Marianne Pistone

 

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